Les couloirs du lycée

Arrivée au lycée une demi-heure d'avance, elle errait dans les couloirs déserts. Le matin, elle s'était réveillée toute fraîche avec les idées claires.

Une journée de sa vie ne pouvait décidément pas être aussi conséquente. Elle s'était comporter la veille de façon totalement choquante - de son point de vue tout du moins. Elle se savait moins gnangan, bon sang ! Elle s'énervait toute seule. Elle savait qu'elle avait du cran, qu'elle était forte et imprévisible. Elle se savait différente des autres, exceptionnelle. Or, elle avait l'impression d'avoir été une simple japonaise comme les autres, un peu timide. Du n'importe quoi. Elle avait décidé de se reprendre et de recommencer à se jouer de tout le monde. De gagner en prestance. Ou de retrouver son ancienne, tout du moins.
Elle se reprocha de parler comme ci son bref changement d'attitude allait être définitive. Hier n'était simplement pas son jour, rien de plus. Elle allait se reprendre, oui.
Et pourquoi pas un nouveau petit copain, tiens ? De nouvelles robes gothic lolita ? Cela lui réussirait bien.
Quant à l'attaque de l'espèce de bête sauvage que demeurait le garçon qu'elle avait rencontré, elle l'avait plus ou moins vexée, pas sur le coup, certes, mais en y repensant...Il ne la méritait pas. Elle pensait avoir perdu ses chances de l'attirer dans son lit, aussi sa présence ne lui importa-t-elle plus que peu.

Le plus aberrant restait tout de même sa réaction après avoir découvert qu'elle était en effet un être merveilleux ! Les fées n'étaient-elle pas extraordinaire ? La révélation n'avait rien de bien étonnant. C'était à sa hauteur ! Courir le risque d'essayer de rendre les gens heureux, elle n'aurait jamais pu envisager destin plus fantastique.

Le matin, elle s'était excusée à ses parents et avait fait des efforts pour paraître en excellente forme. Après tout, ils n'avaient rien fait pour mériter son excès de colère de la veille.

"Je leur demanderais ce soir comment me transformer..."


Elle se disait qu'il lui restait sans doute pas mal de temps avec que les élèves de commencent à arriver. Etant nouvelle à ce lycée, elle pouvait en profiter pour se construire une toute nouvelle image ! Personne ne la connaissait, après tout ! Et puis, elle avait passé une grande majorité de la journée d'hier à l'infirmerie. D'ailleurs, ses ailes continuaient certes de grandir, mais lui faisaient moins mal. Bref, pas de raison de s'en faire plus que ça à cause de sa situation.

Elle excluait la petite fille toute mignonne directement de sa liste de nouvelles attitudes qu'elle pouvait adopter dans ce nouveau lycée. Sérieusement, ça ne la réussissait pas.

Elle se mit à tourner en rond penchée en avant, les mains jointes derrière son dos, en marmonnant des choses du genre "La rebelle ? Non, c'est gâchée mon visage teeeellement angélique ! Euh...la chaudasse ? Nan, les mecs aiment plus ça de nos jours et j'aurais du mal à me faire des amies...BWAAAAAAAAAAAH"

Oups. Elle avait crié.
Elle sorti de la poche de sa mini-jupe un espèce de brin de paille qu'elle se mit à mâchonner.

Très classe, tout ça ! Bref, elle continua à cogiter, mais fatiguée de tourner en rond, elle décida de s'asseoir sur le bord de la fenêtre, en face de la porte d'une salle de classe qu'elle se mit à analyser sous tous les angles, chose qui la forçait à garder la tête tournée et qui risquait de lui foutre un sacré torticolis. Elle préféra s'asseoir à califourchon, mâchouillant comme une forcenée ce qui lui restait du brin de paille. Bah, elle en avait toute une réserve dans sa poche, de toute manière. A l'intérieur d'un paquet de cigarette vide. Elle n'aimait pas fumer des clopes. La pipe, c'était mieux.

Bref, elle s'ennuyait, et le soleil lui faisait mal aux yeux. Elle sortit alors un chapeau, - de paille, toujours - et l'enfonça sur sa tête. Finalement, à force de fixer la porte, une idée lui vint. Elle brandit un jeu de fléchette venu de nulle part, comme son chapeau, en fait. Elle fixa la cible, retourna s'asseoir - cette fois en tailleur -, visa et lança une fléchette !

Évidement, elle était trop forte et réussit du premier coup à toucher le centre.

Avec son chapeau de paille, le brin qu'elle mâchonnait à la manière des vieux fermés et son jeu de fléchette, assise sur le rebord de la fenêtre en tailleur, elle avait une sacrée classe.

C'était son premier jour dans ce lycée. Tsuki avait décidé de venir un peu plus tôt, elle n'aimait pas les bousculades matinales. Elle marchait le long d'un couloir en regardant un peu partout. Sur les murs, des affiches de toutes sortes étaient accrochées, dont la majorité concernait des clubs en tout genre, allant du club de musique à celui de natation. Elle s'arrêta pour arranger son uniforme et jeta un coup d'oeil par une fenêtre. Elle resta un long moment à regarder les nuages passer, ses pensées divaguant... Des marmonnements étranges coupèrent le silence. Tsuki se retourna brusquement, regardant autour d'elle d'un air inquiet. Apparemment, quelqu'un d'autre était ici. Elle suivit les murmures qui la menèrent à l'angle d'un couloir. Sur le rebord d'une fenêtre, une étrange personne était assise en tailleur. Elle s'approcha un peu de cette dernière et remarqua qu'elle jouait aux fléchettes. La jeune fille resta sceptique. Elle cligna plusieurs fois les yeux, allant jusqu'à imaginer qu'il s'agissait d'une illusion. Cette lycéenne, pour le moins bizarre, portait un chapeau de paille et mâchouillait... des brins de paille ! Tsuki voulait partir le plus discrètement possible, sans se faire remarquer par cet énergumène. Elle recula lentement, lentement, puis se retournant brusquement elle fit tomber son sac tirant la jeune fille de sa rêverie. Elle ferma fort les yeux un instant puis fit volte-face et timidement s'excusa, craignant sa colère.

"Désolée... "

Sayuri sauta sur ses pattes, arracha sèchement le brin de paille de sa bouche et le jeta avec son chapeau de paille par la fenêtre, ainsi que le jeu de fléchette qu'elle s'était dépêcher de ranger à la vue de la timide jeune fille.

"C'est plutôt à moi de m'excuser. Je suis pas comme ça en fait, hein, je peux tout expliquer ! Je...je m'entraînais pour mon tournoi de fléchettes et...aucune idée de comment il est atterrit là le brin de paille, hein, puis le chapeau c'est un cadeau de ma grand-mère maternelle, on se l'offre de génération en génération et on se fait le serment de le porter à chaque fois qu'on est seule, qu'on dorme ou qu'on se douche...Comme dans la pub pour shampoing... Et c'est pour ça que j'ai balancé le chapeau ? Oh mon dieu je m'embrouille..."

Elle lissa les plis de sa jupe, mal à son aise, tandis que la cloche se mit à sonner.

"Hum...n'en parle pas, s'il te plaît."

Tsuki cligna des yeux, perplexe, devant l'explication improvisée de cette étonnante personne. Elle avait enchaîné le tout d'une traite et il était surprenant qu'elle n'en fut pas essoufflée. Embarrassée, la jeune fille mit ses cheveux derrière l'oreille, un geste qu'elle faisait lorsqu'elle était gênait, et ne répondit rien. La cloche sonna, et son interlocutrice jeta un regard alarmé derrière elle.

"Hum...n'en parle pas, s'il te plaît."

Elle ne put prononcer un mot se contentant de hocher la tête. Elle était encore sous le choc.

A voir sa tête, elle semblait avoir assister à un meurtre. Les élèves commençaient déjà à arriver, toujours peu nombreux.
Elle s'efforçait à paraître un tantinet normale. C'était plus ou moins déconcertant pour elle de penser qu'elle avait réussi à faire peur à une fille si mignonne.

Confuse, elle hésita un instant à répondre. Elle leva timidement la tête et fixa longuement les gourmandes prunelles couleur chocolat de cette curieuse personne. Sa beauté était saisissante. Aussi, lorsqu'elle se rendit compte qu'elle n'avait encore dit, elle s'empressa de répondre :


Elle détourna les yeux, réalisant la maladresse de ses propos.

La lycéenne qui se tenait devant Sayuri paraissait tellement, tellement effacée. A moins de faire beaucoup d'effort et d'être infiniment gentille dans l'espoir de la mettre à l'aise, aucun moyen de tirer quelque chose d'elle. Dommage.

Ah ! Mais pourquoi pas devenir le stéréotype de la fille forte, prévenante et altruiste ? (Pour ainsi dire, son parfait opposé.)

Adopté. Ca contrasterait à merveille avec son physique si avantageux...! Hum, quelques minutes encore auparavant, il fallait quand même dire qu'elle se trouvait dans une posture pour le moins...embarrassante ?

Bref. A son grand étonnement, la sonnerie annonçant le début des cours retentit.

"Shirayuri Sayuri. Tu peux m'appeler Sayu-chan, si tu le souhaites ! Je suis nouvelle ici, alors je suis un peu perdu. Moi aussi, j'ai été admise en première. Bref, j'vais en anglais ! Ravie d'avoir pu te parler un petit peu."

Manifestement, Tsuki devait avoir cours avec elle.

Tsuki réfléchit un instant à ce qu'elle pouvait dire de plus. Elle ne voulait pas partir sur ces mots. Elle fourra alors la main dans son sac pour en sortir une tablette de chocolat. Elle leva les yeux vers la jeune fille et la regarda sous sa frange. Puis, timidement, lui tendit la friandise tout en continuant de la fixer, sans dire un mot. Oui, Tsuki aimait le chocolat.

C'était pour elle, ça ?

Sans doute devait-elle se ficher de Sayuri. Après tout, une tablette de chocolat...! Elle voulait qu'elle grossir ou quoi ? Cette Tsuki semblait juste...tellement vide. Ca la fatiguait, un petit peu, de se tenir face à quelqu'un d'aussi fade. Quoiqu'il en soit, elle devait se montrer gentille, et ce avec tout le monde, qui qu'ils soient, qu'elle les apprécient ou pas.

Confrontée à l'expression comme déçue de la jeune fille, elle bafouilla pour se rattraper :

"Euh, non, mais, enfin...Un carré, pourquoi pas ?"

Son visage, à partir de là, se rasséréna illico. En fait, Sayuri demeurait plus gênée qu'autre chose face à cette jeune fille qui l'avait quand même aperçu dans une posture plus ou moins délicate : elle ne voyait pas quoi faire d'elle, mais laisser les choses de manière si étrange pouvait peut-être nuire à sa réputation ? Et si elle racontait des choses bizarres à son propos ? Non, vraiment, mieux valait qu'elle s'en fasse une amie.

Keira marchait dans les couloirs du lycée que lui avait indiqué l'homme de la bibliothèque. Sur le chemin un jeune homme l'avait abordé en l'appelant "mon ange". C'était dans une rue absolument vide de monde et elle n'avait pas hésité a répondre à cette insulte. A présent son corps sans vie et sans coeur gisait dans le local a poubelle d'à côté. A présent elle se baladait tranquillement à la recherche... de la personne qu'elle cherchait... mais elle ne savait malheureusement pas vraiment qui c'était, sa seule information: un chimère avec un bandeau sous sa forme humaine, et en plus de cela d'une insolence inadmissible. Elle ne se voyait vraiment pas demander a un humain: "vous avez vu une chimère trainer dans la coin?" ça risquait de les effrayer au mieux ou de la faire passer pour une folle au moins bien. Quoique peut-être pouvait-elle faire en sorte que la personne a qui elle le demandait meurt lentement d'une crise cardiaque à retardement... Non, c'était pas vraiment l'heure de s'amuser. En attendant elle le cherchait toujours, cela faisait le troisième lycée qu'elle visitait et elle n'avait pas eu un seul signe d'une quelconque créature, et cette fois-ci elle comptait bien mettre la main sur ce garçon. Elle marchait toujours au hasard dans les couloirs, sous les regards médusés des lycéens sur ses vêtements "exotiques". Au bout d'un couloir elle changea de direction et se retrouva dans un autre couloir presque vide, mis à part deux jeunes filles en pleine discussion. Elle continua son chemin sans y faire attention quand elle reconnu l'une des deux: la jeune fée du parc!
Elle se retourna brusquement et la regarda dans les yeux, c'était sa chance, elle pouvait surement l'aider à trouver la chimère. A force de se concentrer sur l'aura de la jeune fée, elle remarqua la présence d'un autre aura, celui de la jeune fille à côté d'elle. Celui-ci elle n'arrivait pas à le définir, il fallait croire qu'elle n'avait jamais rencontré une telle personne. finalement Keira s'approcha d'elles et attendit que l'une d'elle prenne la parole, elle avait horreur de commencer un conversation. Voyant qu'aucune d'elle ne prenait d'initiative elle se lança:

"Euh... salut. Tu me reconnais? Dans le parc... Enfin c'est pas grave sinon, moi c'est Keira, et vous?"

Elle avait vraiment horreur de sympathiser avec les gens, mais cette fois c'était vraiment nécessaire.

Qu'elle ne fut pas sa surprise en se retrouvant face à la sombre démone rencontrée la veille !
A croire que toutes ces créatures bizarres s'obstinaient sur elle...! Elle demeurait exaspérée. D'ailleurs, elle réalisa soudainement qu'il émanait de Tsuki un aura différente de celle des autres élèves présents dans le couloirs, mis à part l'autre spécimen de bizarrerie, bien entendu. Elle arrivait difficilement à identifier sa race, dans la mesure où elle n'en connaissait que très peu et qu'elle ne paraissait pas si différente de celle des humains, à l'exception près qu'il semblait clair qu'elle possédait des pouvoirs magiques.

A l'intention de la démone, cette fois ci, elle poursuivit :

"Quant à toi, j'apprécierais qu'une personne si extravagante ne fasse pas comme si elle me connaissait. Qu'on ne nous confonde pas, OK ?"

Elle qui, un peu plutôt, jouer aux fléchettes assise en tailleur sur le rebord de la fenêtre, un chapeau de paille sur la tête et un brin mordillé à la bouche en se lamentant sur sa condition de fée, était sincèrement excédée par ces deux filles à la nature si insolite.

Keira avait obtenu une réponse, elle n'était pas partie en courant, c'était le bon côté des choses. Rester positive, elle avait seulement dit "extravagante", rien de plus, il n'y avait absolument aucune raison de s'énerver, et puis la colère, c'est pas son troc à la pauvre Keira, cela faisait... au moins 20 ans qu'elle ne l'avait pas laisser s'échapper, et ce n'était pas un mot vexant sorti de la bouche de la seule et unique personne pouvant lui venir en aide qui allait changer quelque chose a ce contrôle de soi-même si bien travaillé.

"NANMEO tu te prends pour qui, une petite fée innocente appréciée de tout le monde par son caractère superficiel? tu veux pas non plus que j'aille mettre un petite robe noir, un tablier blanc et que je t'apporte un thé? Au moins j'aurais plus l'air extravagante ! Non mais tu te rends compte? un sari bleu et des bottes de cuir! mais quelle horreur! Tu vas quand même pas t'approcher de ce truc, surtout que ce truc a une envie soudaine de jouer à son jeu préféré, mais je te dirais surtout pas quoi de peur qu'a l'idée de te faire arracher le coeur ta petite personne ne soit choquée par les propos d'une extraterrestre au sari bleu!"

Keira était rouge de colère, elle regardait le fée dans les yeux, elle en avait par dessus la tête des gens qui se prennent pour des petits "anges" innocents et dénué de faute, supérieurs aux autres et su-per-fi-ciels... Ces derniers temps beaucoup de choses étranges étaient arrivées, tout d'abord l'arrivée d'une chimère, d'une fée, d'un loup et d'une nymphe en bas de son arbre, ensuite un démon qui essayait de la tuer, un autre démon ridicule tremblant comme une feuille, et maintenant la même fée insolente et égoïste qui la prenait pour une bête étrange sortant du labo d'un savant fou alors qu'elle lui avait sauvé la vie la veille même, C'EN ÉTAIT TROP!
En attendant elle devait se calmer, cette fée devait savoir où se trouvait cette satané chimère, elle pourrait s'amuser à lui arracher le coeur plus tard...

"Soyons plus directs, j'ai besoin de toi, tu dois me dire où est cette satané chimère, je sais qu'elle peut pas être loin, alors S'IL TE PLAIIT aide moi à le trouver, il est le seul à ma connaissance à pouvoir m'aider, du moins m'expliquer... y en a pas 30 000 des mecs qui se baladent avec un bandeau sur les yeux dans ce lycée quand même!"

Elle en avait dit trop. Keira souffla, s'assit par terre contre le mur et remarqua que des dizaines de regards étaient posés sur eux. Et merde, elle avait péter son câble et parler de chimères, de fées et d'arrachage de coeurs devant un bonne dizaine d'élèves ahuris. Vraiment c'était pas sa journée.